Vers une excentricité mimétique ?

CousteauLecture intéressante dans « M », le magazine du Monde, cette semaine. Dans un article hommage à la grande excentrique anglaise Isabella Blow, Carine Bizet regrette en guise d’introduction la « bigarrure agressive » et les « tenues pseudo-choquantes » des starlettes de la mode britannique à la sortie des défilés dans Somerset House. Pour la journaliste, c’est entendu, ceux-ci ne sont là que « pour le business : celui de la photographie de "streetstyle" qui fait des plus malins des stars du Net, prompts à capitaliser sur cette notoriété à coups de collaborations avec des marques ou des médias. » C’est malheureusement assez vrai.  

En tant que londoniens travaillants dans le secteur de la mode, cette partie de l’article nous a interpellé. Les anglais en feraient-ils trop ? Il est vrai qu’à voir les profils instagram de certaines pseudo gloires du net, mannequins à la célébrité éphémères, fashionistas au compte twitter bien plein et à la carrière fort vide, ou encore « stylistes » post gothiques singeant les tenues de Gareth Pugh, on frise souvent le ridicule. Le tout sent parfois le coup marketing, souvent le réchauffé, et ne respire pas franchement l’originalité.

D’où un certain paradoxe : lorsque l’excentricité est omniprésente, les seuls tenues qui se détachent sont les autres. Après avoir vu 40 mécheux en jodphur noir, maquillés comme des drag-queen et se prenant pour le nouveau Galliano, la seule vue d’un imperméable beige procure comme une sensation de fraicheur intense. C’est d’ailleurs la même chose chez nos amis les « hipsters », espèce pullulante dans l’est londonien, (c’est-à-dire chez nous). Se voulant très décontractés, et surement très originaux, ceux-ci portent tous le même bonnet rouge, les faisant ainsi ressembler à un groupe de sosies officielles du capitaine Cousteau. Mais il va sans dire que tous hurleraient à la mort s’ils devaient porter un uniforme au travail. Paradoxe là encore….

Dandy portraits

A l’inverse, nous avons récemment eu la chance de croiser de vrais originaux il y a quelques jours, lors du lancement londonien de « Dandy portraits » excellent livre des auteurs et photographes new yorkais Rose Callahan et Natty Adams. Un évènement hébergé comme il se doit par la vénérable maison Gieves and Hawkes, située à la célèbre adresse « number 1, Savile Row ». Une flopée de messieurs avait fait le déplacement pour l’occasion, dont un certain nombre de ceux photographiés par Rose et Natty dans leur livre. Très loin de toute excentricité mimétique, ceux-ci avaient chacun un style bien à eux, importable sans une sacré confiance en soi et un gout pour le décalage.

Parmi eux, l’excellent Ray Frensham, un excentrique de premier ordre s’habillant tous les jours en frac, guêtres, monocle et haut de forme compris. Auteur de scénarios et dandy absolu passant son temps entre Jermy Street et Savile Row, Ray se fiche absolument de ce que les autres pensent de ce qu’il porte. Et le dit. L’exact opposé en somme de tant de jeunes modeux dont l’excentricité n’est finalement qu’un moyen de se conformer à l’image pré fabriquée qu’ils ont de leur profession. Un phénomène encore plus fort à Londres qu’ailleurs, étant donné l’histoire particulière de la ville et de sa mode,  très liée aux contre cultures, notamment au mouvement punk dans les années 80. Un héritage toujours vivace, comme en témoigne l’influence perpétuelle de Vivienne Westwood dans l’héritage stylistique collectif. 

F.McKenzie

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