La cravate de Hollande - Les habits du pouvoir #3
Faut-il pour autant s’imaginer que la tenue soit devenue un détail dépassé ? Certainement pas, il suffit de voir les hurlements effarouchés déclenchés par Cécile Duflot lorsqu’elle parut à l’Assemblée nationale en robe légère estivale, ou encore pour la séance photo du gouvernement en jean. Rappelons aussi que le port de la cravate est toujours obligatoire dans l’hémicycle, et qu’il se trouve à chaque législature quelques « bleus » fraichement élus obligés de demander à ce qu’on leur en prête une, sous peine de se voir refuser l’accès par les huissiers. Et il ne fait pas bon sortir du lot : qu’on se souvienne ainsi du tollé déclenché par l’arrivée de Jack Lang en col Mao dans l’enceinte du Palais Bourbon en 1981 !
La façon de montrer le pouvoir a changé. Il ne s’agit plus d’épater la galerie en portant des plumes d’autruche, des diamants et de l’or, mais d’envoyer des signaux discrets à l’assistance. Si la reine d’Angleterre a ainsi l’art de traumatiser son entourage en créant un code autour de la façon dont elle tient son sac, nos présidents ne font parfois pas mieux. Ainsi de François Hollande lors de son premier déplacement aux Etats Unis après son élection : le président de la République française était le seul à porter une cravate, contrairement aux invitations du président américain, en tenue d’été, pantalon clair et blazer. En son temps, Jacques Chirac avait fait le même coup à Georges W. Bush. Il s’agit de montrer sa différence, d’affirmer une certaine élégance continentale face à la décontraction américaine, et même dans le cas de Hollande, de montrer aux téléspectateurs français que l’on a pris la mesure du rôle. Une façon peut-être aussi d’exorciser les souvenirs de vacances de Nicolas Sarkozy en jogging et lunettes noires dans les rues de New York. Tout un symbole.
Pourtant, comme nous le rappelions dans un précédent article, la majorité des hommes politiques occidentaux, et cela est encore plus vrai en France, n’ont que peu de gout pour le raffinement ou la fantaisie. Pour Barack Obama, comme le rappelait récemment un excellent portrait publié dans le Monde, le choix est d’une simplicité biblique : « Pour la sélection du costume du jour, cela signifie : le gris ou le bleu. "Il faut avoir sa routine", conseille Obama. Selon lui, des études l'ont montré : le simple fait de prendre des décisions diminue la capacité à en prendre d'autres. Mieux vaut éviter de se laisser distraire par des détails quand on a à arbitrer entre Jérusalem et Téhéran. » Il s’agit d’enfiler ses habits de président, comme on porte un uniforme. Le bleu de travail des élites.
Car dans un monde d’images, l’habit fait le moine. L’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux confiait d’ailleurs un jour à l’auteur de ces lignes avoir reçu une sévère gueulante de la part de Nicolas Sarkozy après l’épisode de « l’auvergnat. » Le motif ? Le ministre avait oublié de mettre une cravate : « Il m’a dit que si j’avais mis une cravate ce jour-là, je n’aurais pas fait la connerie. Porter une cravate permet de se souvenir de la fonction que l’on représente. » Pas sûr que l’ancien président de la République ait été le mieux placé pour ce genre de conseil vestimentaire, mais la leçon est néanmoins à méditer.
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