A l'heure du retour des machos...
Des années qu’ils se cachaient, masquant leur désespoir sous une consommation accrue de sports télévisés et de pratique assidue de la vulgarité la plus basse. Ils ne sortaient presque plus, pestant devant leur pizza froide à l’idée de retourner travailler le lendemain matin sous les ordres d’une supérieure hiérarchique. Ils ne portaient que des chemises froissées, refusant d'apprendre à les repasser eux-mêmes, et se rassemblaient par petits groupes dans des bars testostéronés, maugréant leur mal être dans la bière, à l’affut de la moindre phéromone, prêts à dégainer des siècles de bêtise en trois phrases. Machines à truismes, outres à préjugés, réservoirs de peurs recuites, de complexes mal gérés et d’angoisses personnelles. Les machos se planquaient.
Pendant longtemps, ils firent semblant de s’être adaptés à l’égalité des sexes. Pour ne pas se faire mal voir au bureau, engueuler par leurs mères ou jeter par leurs amies, ils se déguisèrent. Appuyant un peu trop fort leur demande de porter le sac d’une dame, ouvrant trop ostensiblement les portes pour la laisser passer, tout signifiait dans leur comportement la haute estime dans laquelle ils tenaient au fond la gent féminine, trop fragile pour ne pas être choyée de milles attentions. Cachant leur affligeante condition par des égards trop lourds, ils se disaient gentlemen, et l’on entendait « connard ».
Et puis ils revinrent. La culture populaire ayant digérés les codes du « gangsta rap », il devint de bon ton d’en truffer les clips musicaux. Gloire à celui qui serait le plus vulgaire. Et la compétition fut rude. Jusqu’à l’arrivée du grand gagnant, l’odieux « Blurred lines » du pauvre Robin Thicke, dont on ne peut expliquer l’imbécile prétention l’ayant poussé à orner un mur de la phrase « Robin Thicke got a big penis » que par la volonté de compensation d’une infirmité honteuse.
Il est donc désormais parfaitement acceptable dans un monde ou les seins de Marianne sont floutés par Facebook d’exploiter pour un clip de musique populaire la nudité de trois superbes jeunes femmes dansant de manière stupide autour de chanteurs pathétiques. Les paroles étant à l’aune des images, on se contentera d’en citer quelques extraits. Il s’agit ainsi de trouver une « bonne fille », comprendre un peu conne, de la « libérer », d’où bien sur le fait de la mettre à poil. D’ailleurs, cette jeune chanceuse n’est elle pas la « chienne la plus chaude du coin », un véritable « animal » ? Et il est vrai que de son côté, le sympathique chanteur possède « quelque chose d’assez gros pour casser ton c… en deux. » Charmant n’est ce pas ?
Mais ne croyez pas que cette pitoyable duplicité morale soit réservée à nos amis américains. A grand renforts de publicité, la France vient de revivre la résurrection du magazine « Lui ». Un retour en grande pompe géré d’une main de maitre par Fréderic Beigbeder, qui a annoncé vouloir en faire le journal de « l’hétéro connard », après avoir vu les hommes "disparaitre". On n’attendait pas l’écrivain sur ce créneau viriliste généralement réservé aux tirades néo-Murayennes d’Eric Zemmour aux heures de grandes écoutes, mais force est de reconnaitre que le pari est réussi. Les connards apprécieront en effet particulièrement le papier de l’écrivain Nicolas Rey sur Najat Vallaud Belkacem, ministre des droits des femmes dont l’auteur chante les charmes, en avouant souhaiter vouloir « nettoyer ses dents d’un coup de langue ». L’intéressée appréciera elle aussi surement la haute charge érotique de cette périphrase dégoutante.
Mais après tout, à l’heure du retour des machos, il serait trop demander de parler d’une ministre pour autre chose que sa plastique, « sa coupe à la garçonne, ses fesses menues, son corps sec et nerveux ». Car à l’heure de l’apéro, en se tapant dans le dos avec un grand rire gras, seuls les pisse-froids sont choqués. Et les femmes bien sur. Mais qui s'en soucie encore ?
Valentin Goux
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