De si élégants révolutionnaires.
Cheveux crados et poumons encrassés, le militant alterno de 2014 ne fait pas en général briller l’idée révolutionnaire par son élégance. Il faut dire que le conduisant de squat en forêts tropicales, et de contres G8 sous la tente en villages autogérés en Bretagne, ses luttes ne s’accordent souvent guère avec les règles les plus élémentaires du chic, voire même parfois de l’hygiène. Est-ce donc à dire que toute révolution fut menée par des hippies hirsutes ? L’idée même d’insurrection devrait-elle ses plus belles heures à des porteurs de dreadlocks tout droit sortis d’un festival ardéchois ? Certainement pas ! Et nous allons aujourd’hui, 14 juillet oblige, revenir sur les plus élégants révolutionnaires de l’Histoire. Et qu’on ne vienne pas nous chercher noise en prétextant que celui-ci aurait commis quelques atrocités ou celui-là abattu un peu trop d’opposants. On ne fait pas d’omelette prolétarienne sans casser d’œufs, et pour citer Che Guevara et Louis de Funès : « La révolution, c’est comme une bicyclette, quand elle n’avance pas, elle tombe. »
Lamartine en 1848, ou le révolutionnaire romantique.
Et la première de toutes, la nôtre, celle qui fait tomber la Bastille et monter les loyers à Londres, celle-là est plutôt élégante, convenons-en. De tous côtés, avec ou sans culotte, les types qui s’y tuent font preuve d’un chic à toutes épreuves. Certes, Danton n’est pas très beau, et les montagnards brassent plus de sang qu’il n’est convenable pour un gentleman. Mais tout de même, les armées de la nation naissante ont fière allure, et les hussards de la République font chavirer plus d’un cœur du haut de leurs moustaches. Tout en brandebourgs, plumes, passementeries et colifichets, on sait à l’époque ensanglanter l’Europe avec style. A Paris du reste, les penseurs des temps nouveaux ne sont pas à la traine en matière de chic, et si les perruques poudrées ont laissé progressivement la place à des cheveux plus naturels, on porte de superbes rubans autour de la chemise, comme pour protéger un cou dont la survie semble pour le moins hasardeuse.
Liam Neeson dans l'excellent "Michael Collins", 1996.
Rebelote en 1830. Les vieillards cacochymes revenus d’exil tiennent trois jours contre Gavroche et ses copains, et on s’écharpe dans le faubourg Saint Antoine en gilet et haut de forme. C’est du moins ce que Delacroix nous apprend, même si des sources bien informés prétendent qu’il n y eut pas de grande brune se battant seins nus avec un drapeau à la main, et une baïonnette dans l’autre. Quoi qu’il en soit, les petit commerçants et artisans qui installent la monarchie bourgeoise sont encore une fois très bien mis, même dans la fumée des canons. Passent les saisons et les roitelets, et 48 arrive comme un cheveu sur la soupe orléaniste. Atteint on alors le paroxysme de l’élégance révolutionnaire ? Assurément ! Alphonse de Lamartine mène la danse en Jacquette, et l’on croirait voir revenu Brummel pour mener les parisiens déchainés. Un drapeau en guise de ceinture, une main sur le cœur et l’autre levée vers les cieux, le poète emmène la France vers la gloire. Mais les carabistouilles de Napoléon le petit l’emportent, et le désastreux second empire s’installe sur l’avorton de la seconde République. Caramba… encore raté ! Il faudra attendre 20 ans pour que les parisiens se décident de tout cramer à nouveau, et ceci pour la dernière fois. Les tristes sbires de Thiers ne sachant pas apprécier les festivités, la France cessera de produire révolutions et révolutionnaires pour laisser la place à des tristes parlementaires bedonnants.
Camilo Cienfuegos, car il y avait plus classe que le Che dans la Sierra Maestra.
Mais sous d’autres cieux, on se met à fomenter, à conspirer, et même à comploter. A chaque année sa révolution, à chaque mois son massacre ! Avec un certain sens de la mise en scène, les mexicains de Pancho Villa parcourent la Sierra à cheval, sombrero au vent et cartouchières sur le dos. Dans Dublin à feu et à sang, les hommes de l’IRA prennent la poste centrale d’assaut en complet de tweed de Donegal. En Espagne, Malraux débarque avec sa plus belle cravate en tricot et un pantalon feu de plancher pour prendre le commandement d’un bataillon d’aviation sans avoir lui-même appris à piloter. Quelques décennies plus tard, un obscur quarteron de barbus passe même à la postérité après avoir passé deux ans à crapahuter dans la Sierra Maestra cubaine. Ernesto Guevara, Camilo Cienfuegos et Fidel Castro deviennent des héros romantiques, ornant T-shirts et besaces. Leur style façon cowboy, à base de chemises au col déboutonné, de larges ceinturons et de chapeaux, fera école dans toute l’Amérique du sud, et ce jusqu’aux révoltes indigénistes du Chiapas des années 90, mené par le très bankable sous Commandant Marcos. Un maitre des apparences utilisant à la perfection les codes de la société du spectacle pour la combattre, pipe au bec. Avis donc aux grands bourgeois qui nous lisent : Ne vous inquiétez pas trop pour le moment. Tant que Besancenot se pointe aux manifs en t-shirt et baskets, le grand soir n’est pas pour demain.
Valentin Goux.
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