Comment naissent les prix.
Les enfants naissent dans les choux, les trésors aux pieds des arcs en ciels, et les prix dans les cerveaux malades des commerçants, cette caste de voleurs aux doigts crochus toujours prêts à voler leurs clients. C’est en tout cas plus ou moins l’opinion générale lorsqu’il s’agit de petites structures. La boutique du coin de la rue, le primeur, la boucherie, etc… Qui n’a jamais pesté contre le prix d’une baguette en se demandant bien ce que la boulangère pouvait foutre dans sa recette pour justifier le prix grand luxe d’un mélange de farine et de flotte ?
Chez Monsieur London, comme partout ailleurs, nous devons parfois justifier le prix de nos produits auprès de clients étonnés. Comment une ceinture peut-elle couter plus de 100 euros ? Pourquoi payer autant pour une cravate ? Qui achète des gants à 150 balles ? Derrière ces remarques, une suspicion vieille comme le monde : celle imaginant le commerçant s’en mettre plein les fouilles. Rentrant chez lui le soir avec des valises de billets, riant de la bêtise de ses clients stupides en se vautrant dans un luxe gras.
Brisons là, vous voyez l’idée. Comme nous l’avons souvent expliqué sur ce blog, le changement total intervenu dans nos modes de consommations en à peine quelques générations a complétement déconnecté les consommateurs de l’aspect productif de ce qu’ils achètent. Plus personne ne connait les conditions de fabrication, de transport, d’emballage (etc...) des marchandises qui transitent dans le vaste marché mondialisé pour venir s’accumuler sur nos étagères. Mais la durée de vie de ces produits s’amenuisant, comme leur cout financier, le monde entier s’est habitué à un mode de vie jetable. Bien sûr, nous ne portons pas un t-shirt une seule fois avant de le foutre à la benne, mais l’idée est exactement la même. Tout doit donc être bon marché.
Tout ? Certes non, seul un petit village d’irréductibles, et par ailleurs souvent gaulois, résiste encore : l’industrie du luxe. La seule aujourd’hui qui puisse justifier des prix plus élevés, par la puissance du marketing, du branding, et de toutes sortes d’autres mots très ennuyeux qui ne veulent au fond dire qu’une seule chose : beaucoup d’argent est dépensé pour vous faire croire que les objets du luxe valent leur prix. Il ne s’agit plus d’acheter de la qualité, ou de la rareté, mais d’obtenir un ticket d’entrée daubé tentant de vous faire croire à votre appartenance à des milieux supérieurs. Une illusion parfaite.
Chez ces grandes marques, une écharpe fabriquée à 6 euros en Inde vous sera vendu 185 euros. Branding oblige. La petite sœur de celle-ci, fabriquée dans une matière moins noble dans la même usine de l’Uttar Pradesh, sera vendu 12 euros dans une grande enseigne à bas prix pour un cout de base inférieur à un euro. Entre les deux : le monde merveilleux des marges. Les grandes enseignes vendant plus que le luxe, le bénéfice est au rendez-vous dans les deux modèles, et la marge reste toute façon très importante.
Mais pour la plupart des autres marques, c’est-à-dire l’immense majorité des jeunes sociétés comme la nôtre, l’équation est simple : il faut réussir à atteindre au grand minimum 2.5 fois le prix de fabrication lors de la vente. Pour les boutiques, c’est la même chose. Ce qui fait donc qu’une boutique vendra in fine un produit au minimum 5 fois plus cher que son cout de production (C'est à dire le prix d'achat à la marque, plus la marge du magasin). Cela s’appelle la double marge. Cette double marge est d’ailleurs la raison pour laquelle Monsieur London ne vends pas dans d’autres magasins, malgré des appels du pied répétés de nombreuses et prestigieuses enseignes (Vous auriez dû voir la tête de certains acheteurs quand nous leur avons dit que nous n’étions pas intéressés). Si nous souhaitions ainsi vendre dans des « grands magasins », il nous faudrait d’abord doubler tous nos prix client, afin de pouvoir vendre au prix de gros au tarif actuel, sous lequel nous ne pouvons assumer les couts de fabrication et de structure.
Vous ne vous y perdez pas trop ? L’idée est au fond assez simple : dans les faits, Monsieur London pratique une marge très restreinte, seule garante de nos prix. Du coup, les récriminations de tel ou tel client trouvant un produit trop cher chez nous alors qu’il ne serait pas choqué par une étiquette affichant 20 fois cette somme avenue Montaigne, ont tendance à doucement nous gonfler, c’est vrai.
Produire des accessoires de haute qualité au prix où nous les proposons est une gageure que nous sommes très fiers de réussir à renouveler en permanence, mais il ne faut pas pousser Mémé dans les orties, surtout lorsqu’elle vient de vous faire un clafoutis. Nous avons toujours prônés une transparence absolue dans notre mode de fonctionnement, et continuerons de procéder ainsi : à l’achat, nos accessoires nous coutent un peu moins de la moitié de leur prix final. Sachant que celui-ci inclue la TVA, que nous nous empressons de payer tous les quelques mois pour les beaux yeux de la couronne britannique, la différence est faible.
Je vois d’ici vos yeux embués. Il ne s’agit pas de jouer aux miséreux ! Notre business model indépendant fonctionne, et il nous a permis d’ouvrir une boutique au bout de seulement deux ans d’activité. C’est déjà énorme. Mais Il est bon de temps en temps de rappeler la réalité des choses.
Notre produit le plus cher est un sac à 1300 euros. Il nécessite 70 heures de travail dans l’atelier de notre ami César à Bogotá. 70 heures, à raison de huit heures de travail par jour, c’est quasiment neuf jours. C’est-à-dire, une fois ôté le week-end, deux semaines de boulot à rémunérer à un artisan qualifié, ayant étudié la maroquinerie durant de longues années pour arriver à ce niveau d’excellence. A combien estimeriez-vous la valeur de votre travail pour un temps similaire ?
Et tout ça évidemment sans compter les matières premières, le transport et les couts de structure. Soyons donc un peu honnêtes : nos sacs sont donnés. Monsieur London n’est pas cher, et c’est même surement l'une des marques les plus abordables du monde.
Valentin Goux
Vous aimerez peut être aussi...
Les clients bizarres... Quelques cravates de printemps Notre première boutique