Excusez moi, votre sac en cuir sent le cuir, c'est normal ?
Ah les abrutis! Il fallait bien que ça arrive depuis des années qu’ils se gavaient de costume à trois sous, de doublures en polyester et de pulls en viscose de crin de pétrole authentique. Des dégénérés du gout ! Et capable de vous donner des leçons de luxe avec ça ! Gavés au made in Bangladesh, au tissus pourris et aux saloperies saloperifiées vendues cent fois leur prix de revient ! Remerciant même leur infect receleur d’immondices printemps - été pour leur créativité. L’aiguille, l’argent de l’aiguille et le cul du tailleur en sus. Pour les grandes enseignes, le pied atomique. Le nirvana de l’attrape connard. Le Nobel des joueurs de flute.
Ce matin, donc, alors que nous prenions tranquillement notre café dans la douceur d’une journée londonienne commençante, cosy, quelques clients entrèrent dans la boutique pour s’enquérir du prix d’un sac. Prix qu’ils trouvèrent justifie par la qualité, mais refusèrent tout de même de payer, pour la bonne raison que le sac…. Sentait le cuir…
Dans le processus de malfringue qui touche notre monde depuis quelques dizaines d’années, c’est un jour à marquer d’une pierre blanche. Les consommateurs semblent être devenus tellement habitués à ce qu’on leur a vendu comme « du luxe », c’est-à-dire un erszat de produit surpricé, coupé en Indonésie, cousu en Roumanie puis porté trois fois à la télé par une vedette de seconde zone, qu’ils sont désormais capables d’identifier les signes de qualité comme des faiblesses. Le grain d’un beau cuir comme une imperfection, la nuance d’un lin comme une accroche dans le tissu.
C’est un peu comme si, dinant un soir au grand Véfour, un client appelait le serveur pour se plaindre de la mayonnaise. « Mossieur, c’est un scandaaaaaaale, votre mayonnaise a tournée – Comment ? Notre mayonnaise cher monsieur ? Mais à quoi voyez-vous cela ? – Et bien voyez-vous Mossieur, cette mayonnaise est jaune… Jaune m’entendez-vous ! Dans un restaurant étoilé, de la mayonnaise jaune ! N’est-ce pas une preuve ? – Mais enfin monsieur, la mayonnaise, c’est jaune ! – Jaune ? Jaune ? Traitez moi de menteur tant que vous y êtes, je mange tous les jours de la mayonnaise, et elle est bien blanche, dieu merci ! J’en achète un bon pot par semaine, et la couleur n’a jamais varié. » Vous voyez l’idée…
Il nous faudra peut-être bientôt proposer - pour satisfaire les ignorants - des cravates en polyester, des boutons de manchette en plastique, et des pochettes en viscose. Il y a des clients qui ont l’art de vous foutre en rogne, au point qu’on se rêverait patron de bouchon lyonnais, colérique en diable, et prêt à foutre dehors l’insolent qui ne finit pas son assiette.
Valentin Goux.
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