De l'usage de la boutonnière
L’été est aussi la saison des mariages, ramenant avec eux comme un goût de persistance de certaines vieilles traditions d’élégance masculine. Voici quelques mois, nous avions longuement disserté sur le costume de mariage, abordant sa coupe, et les accessoires l’accompagnant. Mais arrêtons-nous aujourd’hui sur un objet trop peu porté par nos contemporains, à savoir la boutonnière, ou plus exactement la tradition d’arborer un effet, généralement une fleur, à la boutonnière. Si elle est aujourd’hui majoritairement associée aux mariages, comme beaucoup d’autres symboles d’élégance, la boutonnière fut, à la grande époque du costume masculin contemporain, c’est-à-dire à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, un accessoire essentiel parmi d’autre de la garde-robe des élégants. On ne vit ainsi jamais les grands dandys de l’époque sortir sur les boulevards sans arborer une fleur sur leur veste.
Traditionnellement, on porte plus facilement le gardenia en France et l’œillet en Angleterre, sauf occasion précises. En France, un œillet rouge ou du muguet peut ainsi habiller une veste lors du 1er mai, pour peu qu’on se montre proche de la cause défendue évidemment. En Angleterre, le « poppy », coquelicot dans la langue de Molière, est vendu dans les rues et porté depuis 1920 en solidarité avec les anciens combattants morts au combats, particulièrement autour du 11 novembre. De notre côté de la Manche, une tradition similaire existe avec le « bleuet de France », vendus et portés depuis 1915 au bénéfice là aussi des anciens combattants et blessés de guerre. Il va sans dire que la pratique patriotique étant légèrement différente dans nos deux pays, l’Angleterre se couvre de coquelicots en novembre, alors que la France ne compte que peu de bleuets portés fièrement à la poitrine. Même nos dirigeants politiques sont peu à faire l’effort, alors que le moindre député britannique observé sans poppy se verrait sanctionné par ses électeurs.
Si la boutonnière est aujourd’hui réservée aux occasions très formelles, elle était auparavant un signe de décontraction, voire de fantaisie, et permettait de faire passer des messages. Comme toutes les fleurs à l’époque d’ailleurs. Si les pétales blancs sont aujourd’hui monnaie courante, ils étaient au 19e siècle l’apanage des royalistes, tout comme les rouges représentaient les socialistes et communistes. Seul exception momentanée : l’œillet rouge, annonçant à une époque les partisans du général Boulanger. L’œillet vert, que portait Oscar Wilde, était une subtile façon d’annoncer son homosexualité. Quant à l’œillet bleu, il est en principe interdit, représentant le symbole de ralliement des partisans d’Edouard Drumont, antidreyfusard frénétique et créateur de la ligue nationale antisémite de France en 1889. Charmant n’est-ce pas ?
Boutonnière avec élastique, permettant de plaquer la tige au tissu, et de maintenir la fleur en place.
Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui toujours sympathique de porter une fleur à sa boutonnière, même si sur ce point comme sur d’autres, les anglais restent toujours plus fidèles à la tradition. On recommandera au moins en France son usage lors d’un mariage, pour peu que la veste ait été prévue pour. Le futur marié doit ainsi prendre soin de demander à son tailleur de prévoir une boutonnière, cousue à la « milanaise » si possible, avec un petit élastique sur le revers de la veste afin de plaquer la tige de la fleur et de la maintenir en place. Les plus sages prévoiront aussi un petit récipient rempli d’eau et attachable sur le même revers afin de nourrir la plante et d’éviter qu’elle ne flanche après une heure de cérémonie en sortant sur le perron de l’église ou de la mairie. Il est à noter néanmoins que ces accessoires, héritage du 19e siècle, sont de plus en plus difficiles à trouver. Heureusement, internet offre de nombreuses possibilités. Et pour ne rien gâcher, Monsieur London est à la recherche d’un fournisseur afin de vous le proposer dès l’année prochaine.
Vous savez désormais tout ce qu’il y a à savoir pour porter la boutonnière. Reste un point brulant, et âprement discuté sur les forums spécialisés : peut-on porter une pochette avec ? La réponse est assez simple : Le prince Charles l’a fait lors de son mariage avec Camilla Parker Bowles. Pas de raison valable donc pour proscrire cet usage. Encore une fois, il s’agit bien ici de gout personnel plutôt que de convention. L’essentiel étant de se sentir à l’aise, et d’être naturel. La première condition de l’élégance.
Jean-Pacôme Chichirelli.
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