Tous fitzgeraldiens?

Arsène Lupin

Tous fitzegarldiens ? Avec l’immense raout marketing savamment orchestré pour la sortie de Gatsby, Il est devenu à la mode dans les diners en ville d’affirmer préférer le livre au film, sans avoir lu le premier, ni vu le second. C’est d’ailleurs la même chose à chaque adaptation d’un grand classique de la littérature. Il se trouve toujours quelqu’un, généralement plus connu pour son abonnement au stade et son addiction aux soirées Pizza, pour déplorer une pauvre transposition à l’écran. Il est toujours bon de savoir que ses amis ont un avis à donner sur la pensée de Francis Scott Fitzgerald, les différences d’angle entre Drieu et Louis Malle, et la faiblesse philologique des adaptations de Tolkien… Néanmoins, il serait encore mieux qu’ils lisent ce sur quoi ils donnent leur avis. 

Mais ne nous égarons pas. Si l’agitation médiatique autour du film de Baz Luhrmann peut apporter quelques inspirations élégantes à nos contemporains, il serait bien mesquin de gâcher notre plaisir.  Car de fait, lorsqu’on jette un œil à la pauvreté des personnages proposés comme modèles dans les magazines à grand tirage, poupées de cires à faible capacité parlante, il semble sage d’aller en chercher d’autres, dans  nos souvenirs littéraires et cinématographiques.

Combien d’Edmond Dantès dans la presse people ? D’Emile Beaufort au gouvernement ? De Barons de Charlus dans la vie mondaine ? Certes, nous avons notre lot de Nabila et de Cahuzac, représentations tristes à en rire d’une époque qui manque cruellement de panache. Mais nos voleurs auraient-ils aujourd’hui le bon gout de laisser une carte visite dans les coffre forts vidés par leurs soins ? Maurice Leblanc sut offrir à Arsène Lupin cette élégance. Nos peines de cœur nous inspirent quelques statuts sur Facebook, nos colères valent un tweet, nos indignations une image de révolution sur tumblr. Qui irait écrire les confessions d’un enfant du siècle après s’être fait larguer par texto ?

Cessons là pourtant ces divagations antimodernes, qui ne nous ressemblent pas. Rêver aux héros de notre imaginaire collectif, très bien, mais s’en faire un rempart contre l’avenir, jamais. Et d’ailleurs, tous ces superbes personnages n’ont-ils pas contribués à éblouir le souvenir d’époques qui ne furent jamais si glorieuses que dans les livres ? L’Amérique de 1925 n’est pas que celle de Fitzgerald, et elle s’apprête à devenir celle de Steinbeck. Les héros de Proust meurent alors qu’émergent ceux de Céline. Et la flamboyance de l’Italie décrite par Lampedusa n’est que le miroir inverse des errements de celle qu’il vécut au quotidien. Gardons donc l’inspiration, sans regretter les reflets déformés de mondes artificiels.

Bien à vous,

F.Mc Kenzie 

 

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