Le temps des élégants - Les habits du pouvoir #4

Homme à chapeau melonSi nous nous plaignions dans un précédent billet de la médiocrité des tenues de nos hommes politiques, il va sans dire que certains sortent tout de même du lot. Pas forcément pour leur bonheur d’ailleurs, car comme nous l’écrivions, l’époque est à la tenue passe partout, et aux camaïeux bleu-gris. Malheur à celui qui sort du lot ?

Commençons par quelques grands anciens, avant de revenir tranquillement vers l’époque contemporaine. Si un mouvement a compté dans son rang quelques gentlemen au style parfait, c’est bien les gaullistes. Surexposition au style anglais lors de leur exil à Londres ? Sens du devoir jusqu’à celui d’être élégant ? Charme des anciens baroudeurs ? Pour André Malraux par exemple, pas de doute, le prestige de l’aventurier transparaissait jusque chez le ministre, et l’on devinait toujours derrière ses costumes trois pièces le pillard-gentleman d’Asie du sud est, le révolutionnaire exalté de la guerre d’Espagne et l’ami d’Aragon et Drieu, les yeux toujours aussi perçants qu’à 20 ans. Dans la même veine politico-littéraire, Maurice Druon était un exemple impeccable de bon gout, maniant savamment l’art du chapeau et du cigare, attributs masculins par excellence. Diplomate de haut rang mais toujours aussi gaulliste que les précédents, Alain Peyrefitte se distinguait lui aussi par une tenue irréprochable, et l’on serait bien en peine de trouver une seule faute de gout jusque chez le Général lui-même. Celui-ci avait conscience de son rang, ainsi que de représenter la France avant lui-même, même si son style vestimentaire était un peu rigide, chose assez fréquente chez les anciens militaires.

Plus proche de nous, deux ministres de François Mitterrand firent honneur au bon gout en leur temps, quoiqu'en des styles très différents.  Le premier, Robert Badinter, incarna l’élégance discrète des jeunes français des années 70, costume plus près du corps que leurs aînés  cravate de couleur et chemise à rayure. Le style d’une génération active et débarrassés des attributs pré giscardiens, le chapeau en tête. Dans un autre genre, Roland Dumas remit au gout du jour un genre plus flamboyant, qui lui coûta très cher lorsque la France découvrit la fameuse affaire de ses chaussures Berlutti sur mesure. Néanmoins, et ce sans juger le fond, Dumas reste l’un des hommes politiques les plus élégants et fins de sa génération. Et est resté fidèle à la maison de chausseurs italiens malgré tout.

On dit que son allure de Dandy lui aurait coûté son élection en 1995. C’est possible, mais Edouard Balladur y aura gagné la palme de l’homme politique le mieux habillé de France, malgré un style engoncé frisant parfois le ridicule. Mais sans aborder l’homme, force est de reconnaître l’élégance de ses costumes, longtemps taillés à Londres chez Henry Poole & Co, maison installé au numéro 15 de Savile Row, la légendaire rue des tailleurs. Depuis, il semble qu’il soit passé à des costumes de confection françaises, afin de ne pas alourdir une image déjà très connotée ancien régime.De nos jours, difficile de repérer des figures d’élégance dans notre classe politique, malgré quelques efforts dans les costumes de François Fillon, ceux d’Arnaud Montebourg lorsqu’il ne porte pas son atroce cravate noire, ou encore ceux de François Baroin ou Vincent Peillon, toujours impeccables. 

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