09 novembre 2012
Jean Gabin. L'homme le plus classe du monde #3
D’abord il y a la gouaille. Ce petit côté Paname, un peu entre le marlou des faubourgs et le bistrotier des halles. Toute une époque. Et puis il y a la classe, celle qui permet de jouer aussi tous les autres rôles. De passer d’un cheminot à un capitaine d’industrie sans ciller, d’enchainer les rôles à un rythme effréné, du prolo au bourgeois, du château aux cités ouvrières. De porter le bleu de travail et le costume trois pièce, le marcel et la cravate cousue main. Bref s’il y en a un qui devait figurer dans notre classement des hommes les plus classes du monde, c’est bien Jean Alexis Gabin Moncorgé, dit Jean Gabin.
Et pour cause ! Des jeunes premiers comme ca, on n’en eut pas tous les jours dans l’hexagone. La gueule d’amour et le bec fin en début de carrière, façon amoureux latin, susurrant des sucreries à des actrices au physique d’avant guerre et aux grands yeux écarquillés. Puis presque sombre après la guerre, plus grave sans doute, avec quelques incursions comiques néanmoins. Et entre les deux, l’occupation, et Gabin, refusant d’aller faire le gugusse à Berlin et de se pavaner dans Signal avec le reste du show business français, préférant rejoindre les Etats Unis, pour ne pas utiliser son talent dans des films allemands. Mais ce n’était pas assez. En 1943, Gabin s’engage dans la marine française libre, comme canonnier, puis comme tankiste une fois à terre, et libère Royan avec son unité avant de faire la campagne d’Allemagne. Voila qui vous marque un homme, convenons-en.
Sur l’acteur, tout a été dit, évidemment. Des livres ont été écris, des émissions diffusés, et quelques scènes d’anthologie sont restés en mémoire de tous, même des plus jeunes. Depuis le fameux « T’as d’beaux yeux tu sais » jusqu’aux dernières scènes du Pacha ou du Clan des siciliens en passant par le discours à l’assemblée dans le Président ou des scènes à la bourse de Paris dans les grandes familles… C’est toute une partie du patrimoine cinématographique français qu’on peut résumer par Gabin, et par ses collaborations avec Audiard.
Mais l’homme, un vrai gentleman, bon vivant et rieur, est peut être encore plus intéressant. Passionné de chevaux comme Noiret, ancien de la France libre comme Dac, gourmand, enfin, comme Lino Ventura. C’est d’ailleurs ce dernier qui racontait une des plus belles anecdotes à propos de Gabin : « Il y avait un temps ou je tournais à Paris en été avec Jean, et tous les soirs on dinait ici parce qu’il y avait pas grand monde. Un soir on était en train de diner tous les deux, et qui est-ce qu’on voit arriver : Monsieur Blier. La suite tu la devines : on s’assoit tous les trois à la même table et on commence à manger. Et à cette époque là on se tenait mieux à table qu’à cheval… Et évidemment de quoi parlions nous en mangeant ? Entre intellectuels, on a commencé par des recettes de cuisine et des adresses. Et à la fin du repas, et Dieu sait si c’était un repas, Blier dit : je viens de découvrir une adresse fabuleuse. Ah bon, fait le vieux, et c’est quoi ? - Et bien, un pot au feu. Et il nous peint le pot au feu. Ils se sont levés de tables, et Jean a dit : on y va. »
Evidemment, tout cela c’était avant. On ne faisait pas attention à son poids passé la quarantaine, tout le monde fumait, et le cholestérol était une lubie des pisse froids. Mais Jean Gabin savait vivre. Et qu’est ce que le savoir vivre sinon l’élégance ?