De la prolifération des bouffons.

PhotographersLe Pitti c’est joli, la fashion week, c’est sympa. Et dès décembre, tout individu travaillant de près ou de loin dans la mode masculine doit faire semblant d’être extrêmement excité à l’approche de ces grands raouts exhibitionnistes. Et préparer ses tenues pour aller se montrer. Repasser son plus beau pantalon jaune, choisir une cape trouée, un chapeau violet, et se grimer en bouffon pour être sûr d’être photographié. Vous croyiez encore crédulement qu’il s’agissait de découvrir les collections ? Naïf que vous êtes ! Personne ne regarde, mais tout le monde espère être vu. Et ce qu’il se passe sur le podium n’intéresse au fond que quelques journalistes consciencieux. Il en reste.

Et voici que le jour fatidique arrive enfin. Et la nuée s’installe. Des cohortes de branleurs sans emploi défini, un jour blogueur, l’autre mannequin, brandissant comme seule légitimité le nombre de « followers » apparaissant à chaque nouveau tatouage exhibé sur Instagram. Des hipsters se pressant à l’entrée des défilés, se foutant bien de ce qui se passe à l’intérieur. Et tous de se scruter sans en avoir l’air, lorgnant d’un œil envieux son voisin tout en jean déchiré, knickerbockers en cuir, et chapka en poil de cul d’ours. Et naissent ainsi des carrières de it boy, aussi inutiles que leurs consœurs, poulettes à la cb familiale bien garnie et au cerveau fort vide. Ils passent bientôt de Londres à Florence, et le concours de bite stylistique prend des airs de combat de coqs, toutes plumes au vent.

Les blogs montrent alors l’élégance, par ailleurs fort réelle, de certains de ces dandys en villégiature italienne, oubliant le ridicule de beaucoup d’autres. Omettant les tenues importables et sans grâce, enfilées entre deux assiettes de tomate mozzarella, les couleurs criardes, portées comme si de rien n’était, et les lunettes de soleil rétros posées sur le nez par « ironie. » Et tant pis si Michel Blanc portait les mêmes dans « les bronzés font du ski ». Le soleil italien semble taper un peu fort, même en janvier.   

Les grands élégants ne se montrent pas. Ils se contentent d’être, attirant l’œil par leurs tenues portées avec un naturel déconcertant, charmant par leurs manières impeccables. Le tout sans aucun effort. Les pauvres diables qui se déguisent en pensant s’habiller feraient bien de s’en inspirer, et de relire Balzac : « L'effet le plus essentiel de l'élégance est de cacher les moyens. »*

Valentin Goux.

*in "traité de la vie élégante", Honoré de Balzac, 1830.

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